Eolien industriel, entre illusion et corruption – Episode 2 – Le projet éolien du Palais du Roy ou l’avènement de la «colonisation participative»

Aubrac

Crédit photo © Association Bès/Truyère

L’invasion programmée de la Lozère par des éoliennes industrielles est la marque d’une forme nouvelle de colonisation territoriale s’appuyant sur une stratégie bien rodée: un promoteur jette son dévolu sur une petite commune rurale, approche discrètement son maire, lui promet monts et merveilles («mesures compensatoires», «mesures d’accompagnement» et autres revenus systématiquement revus à la baisse au moment de la signature des baux) et minimise la destruction des espaces naturels en soulignant « la lisibilité du projet dans le paysage» pour reprendre une expression favorite, mais aussi creuse que stupide, des études d’impact qu’il commandite.

Cette entreprise de colonisation a pour objectif d’exploiter les richesses de la Lozère au profit des colons, typiquement des géants de l’énergie ou des fonds d’investissement. Non, ce ne sont pas les vents de Margeride ou d’Aubrac que convoitent les promoteurs d’éolien industriel car la Lozère est l’une des régions les moins ventées de France : voyez plutôt la « carte des vents en France » sur internet, elle est édifiante. Non, la mine d’or ce sont nos grands espaces naturels qui déroulent leurs paysages à l’infini, aussi loin que possible des villes et friches industrielles : en clair des hectares de terres peu peuplées et bien moins chères que celles de Provence ou de l’île de Ré, là où pourtant le vent décoiffe.

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Crédit photo © Association Bès/Truyère

Pour exploiter une mine d’or, il faut une concession. Bingo ! Les promoteurs ont touché le gros lot car la Lozère est un vivier de maires que l’appât d’un gain facile pousse à distribuer des concessions à tour de bras sur des biens communs ainsi que sur des biens sectionnaux, qu’ils communalisent pour étancher la soif des promoteurs en leur fournissant les terrains nécessaires à l’implantation de parcs d’aérogénérateurs. En amont, le cadre administratif a été soigneusement préparé : car si le transfert des biens d’une section au profit de la commune est désormais facilité -voire encouragé- on le doit notamment au lobby de l’éolien industriel qui déroule ses tentacules jusque dans les moindres recoins de l’appareil d’Etat: aucun pouvoir -législatif, exécutif, judiciaire- n’échappe aujourd’hui à son influence.

Autre symptôme de cette annexion territoriale: la marginalisation de sa population autochtone, nous les indigènes. Non seulement ceux qui nous dirigent ne suivent pas les conseils informés et désintéressés des associations qui défendent le capital environnemental et patrimonial de la Lozère, mais ils les ignorent délibérément. Au royaume des autruches, le président du Conseil Général, Jean-Paul Pourquier, est roi. Son silence assourdissant et sa paralysie face à l’envahisseur en font le complice actif d’une spoliation à l’échelle départementale.

Tout aussi condamnable est l’attitude de ceux qui s’agitent pour faciliter l’acceptation des turbines géantes. Ainsi, le projet de parc éolien dans le secteur emblématique du plateau du Palais du Roy pourrait marquer une étape historique dans le processus de colonisation de la Lozère par l’éolien industriel. Non contentes d’accueillir les promoteurs à bras ouverts, les communes de Pelouse et du Born encourageraient des investisseurs locaux à cofinancer les moyens du pillage de La Margeride! La démarche de l’éolien « participatif », soutenue par le maire de Mende Alain Bertrand est d’un cynisme absolu : autant parler de colonisation participative! En portant une motion favorable à ce projet, Alain Bertrand écrase de tout son poids politique les principes d’intégrité et de cohérence territoriales et confirme que l’argent est l’unique enjeu des concessions qu’il encourage sur les espaces naturels de la Margeride. Car enfin, on voit bien qu’il n’a cure de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et que le prétexte de développement durable et de transition énergétique, destiné à enrober l’objectif purement mercantile des parcs éoliens et justifier la mise sous tutelle de notre territoire, ne fait que souligner qu’il nous prend –nous les indigènes- pour des abrutis.

En effet, il faut ne pas avoir allumé un poste de télévision, écouté la radio ou lu un journal depuis des années pour croire encore que l’électricité produite par une éolienne industrielle est « propre ». Le vent est une énergie renouvelable, oui, par définition. Mais l’exploitation du vent à une échelle industrielle est un processus des plus complexes dont le véritable bilan énergétique est rarement appréhendé dans sa dimension verticale (par exemple en 2050 selon les prévisions de l’agence internationale de l’énergie, les seuls besoins cumulés de l’éolien et du solaire exigeront un volume de béton, d’acier, d’aluminium, de cuivre et de verre représentant entre 2 et 8 fois la production mondiale actuelle de ces matières, toutes industries confondues) ni dans sa dimension horizontale c’est à dire dans sa dépendance –du fait de l’intermittence du vent- aux autres sources d’énergie non renouvelables et émettrices de gaz à effet de serre (gaz de schistes et charbon).

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Crédit photo © Association Bès/Truyère

Au XVIIIème siècle, le scientifique et philosophe Buffon affirmait que le degré de civilisation se mesurait à l’empreinte des sociétés sur la nature. Au XXIème siècle, c’est à l’emprise des espaces naturels que se mesure le degré de civilisation. Nombreux sont les élus et citoyens de Lozère qui condamnent en silence les valeurs passéistes d’Alain Bertrand et l’immobilisme suspect de Jean-Paul Pourquier. Il est grand temps qu’ils se manifestent pour dénoncer ouvertement et activement cette insulte à notre civilisation moderne qu’est l’éolien industriel et exiger un arrêt immédiat, inconditionnel et définitif de son développement en Lozère.

Pascale Debord, Présidente de l’Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère et co porte-parole du Collectif Patrimoine Lozérien

069-smallVous avez manqué un épisode de la série « Eolien industriel, entre illusion et corruption » dont l’objectif est d’illustrer la dérive du secteur de l’éolien en France et son impact nocif sur le monde rural, notamment en Aubrac et en Margeride?

 Episode 1 – reportage en Lozère

A propos Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère

Protéger et valoriser les espaces naturels, la biodiversité, les paysages historiques, et le patrimoine bâti des bassins versants du Bès et de la Truyère, plus particulièrement de l'Aubrac et de la Margeride, tel est notre principal objectif. Pour cela, nous luttons activement contre la marchandisation de ces massifs.
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Un commentaire pour Eolien industriel, entre illusion et corruption – Episode 2 – Le projet éolien du Palais du Roy ou l’avènement de la «colonisation participative»

  1. DALLE dit :

    Suis SCANDALISEE que nos technocrates aient si peu de cervelle pour démollir un site qui devrait être classé au patrimoine Mondial de l’UNESCO. Depuis ma tendre enfance j’adore me retrouver sur ce plateau, un pur délice, suis originaire d’Aumont Aubrac par mes grands parents qui y avaient une ferme non loin de là. Nous devons conserver cet endroit Géant et Magnifique Unique au monde pour que les générations à venir puissent venir eux aussi le contempler. Sans oublier ces si belles vaches et leurs si beaux yeux. Je suis une inconditionnelle !!! il me suffit de penser à cet endroit pour reprendre des forces. NON NON NON AU PROJET EOLIENS – LES LOZERIEN(NE)S ET LES LOZERIEN(NE)S DE COEUR SERONT SE MOBILISER CAR N’OUBLIONS PAS QUE L’UNION FAIT LA FORCE….

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