Eolien industriel, entre illusion et corruption – Episode 3 – « Le promoteur en éolien et le maire »

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Crédit Photo © Bruno Grindel – Lozère, automne 2014

Nous attachons autant d’importance à célébrer l’Aubrac qu’à dénoncer les atteintes à son intégrité, lesquelles condamnent ce territoire d’exception à la banalité et la médiocrité à brève échéance. C’est le cas du développement de l’éolien industriel, qui nous est imposé en Margeride et sur l’Aubrac lozérien par un petit nombre de maires qui cèdent à l’argent facile, au nom d’un soi-disant progrès. Encore faudrait-il qu’ils définissent ce qu’ils entendent par progrès et qu’ils argumentent. Avez-vous déjà entendu un maire dévoré par la passion de l’éolien industriel développer un argumentaire de choix en faveur de cette énergie? Non, il se contente généralement d’approuver les boniments du promoteur, après que les promesses de largesses de ce dernier aient anesthésié chez lui toute faculté de jugement. Il est important de comprendre qu’un promoteur passe son chemin lorsqu’il est éconduit par le maire. Autrement dit, un promoteur qui s’incruste, c’est que le maire l’a invité à s’incruster. D’où la virulence de mes propos à l’égard d’une minorité de maires qui -compte tenu de l’échelle industrielle dont il est question- impose à une majorité d’élus et de citoyens l’aliénation de milieux naturels et de paysages qui constituent la vraie richesse de la Lozère. Car plus le temps passe, plus on a de recul sur cette industrie, plus il est évident que l’industrie de l’éolien, loin d’être un progrès, est en réalité la marque d’une récession tant sur le plan économique et social que sur le plan de fonctionnement de nos institutions. En Lozère, comme partout ailleurs dans le monde rural français, l’industrie de l’éolien gangrène les institutions. Cette corruption, nous devons l’exposer et nous devons nous détourner de cette industrie. Je pose une question simple: si la production d’électricité par le biais de turbines géantes était d’une réelle utilité économique et sociale, si ces machines étaient réellement plébiscitées par les territoires où elles sont implantées, quel besoin auraient les promoteurs d’avancer systématiquement masqués et de corrompre tous les étages de l’administration française? A travers un nombre croissant de rapports, documents et articles publiés sur le sujet, l’année 2014 a mis en lumière l’étendue de la corruption accompagnant le développement de l’éolien industriel. Et ça continue en 2015. Le phénomène et la fracture qu’il induit au sein de la société rurale française sont tels que ce pourrait être un sujet de thèse de doctorat. Faute de temps, nous vous épargnerons la thèse et avons choisi d’illustrer aujourd’hui les ravages de l’éolien, tels qu’on les observe déjà dans nos campagnes, à travers une fable fort bien écrite et très astucieuse qui s’inspire de la fable de Jean de La Fontaine « Le renard et le bouc ». Pour l’illustrer, une belle photo de renard (Lozère, automne 2014) prise par Bruno Grindel, que nous remercions et que nous nous aurons l’occasion de présenter plus largement dans un prochain billet. Bonne lecture et merci de relayer.

Pascale Debord – Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère

« Le promoteur en éolien et le maire »

de Jean du Saraillou, d’après la fable « Le renard et le bouc » de Jean de La Fontaine

2005-oct - Version 2

Crédit photo © Association Bès/Truyère

Un promoteur zélé marchait en pérorant
Avec un maire obtus, un niais patenté.
Certes tous les élus ne sont pas ignorants,
Mais celui-ci était bien né
Pour se faire berner.
Les caisses de la commune étant au plus bas,
Il cherchait un crédit
Pour sortir de ce mauvais pas.
Le promoteur lui dit :
« Mettez des éoliennes et ainsi vous aurez
Argent et renommée ;
Vous serez encensé et roulerez carrosse. »
Le maire n’était pas la moitié d’une rosse.
Il approuva et pourtant hésita :
« Je voudrais bien, mais quoi,
Le pays est sacré, protégé par des lois,
Et tuer la Nature, on ne le peut sans mal ;
Les espèces y perdraient
Tant animales que végétales,
Et les gens ne pourraient
Souffrir le bruit, les clignotants ! »
« Que vous importe tant,
Répliqua le rusé,
On remuera certains leviers,
Même les plus élevés,
Et nous obtiendrons ainsi tous les PC (*)
Je gagnerai beaucoup et vous donnerai peu ;
Il faut bien que les risques fassent des bienheureux. »
Le maire se gratta le nez,
Qu’il avait fort et très busqué,
Puis s’exclama, relevant sa casquette :
« Voilà un discours qui me plaît ;
Vous êtes quelqu’un de futé.
Topez là, compagnon, l’affaire est faite ! »
L’autre le laissa là, sourire en coin
Et se frottant les mains.
Quelques années après, les pales tournaient,
La Nature était sacrifiée,
Les gens se désespéraient.
Le maire s’en moquait, puisque les sous rentraient.
Oh, très peu ! mais ma foi,
On ne rechigne pas sur ce qu’on a.
D’autres années passèrent,
Les machines étaient délétères.
Il fallut les démonter.
Mais plus du tout d’argent,
Le promoteur s’était carapaté.
L’addition fut salée,
La commune endettée,
Et le maire sifflé.
On terminera en disant
Qu’en « toute chose il faut considérer la fin. »
Que « tout flatteur vit
Aux dépens de celui qui l’écoute ».
Que bien d’autres moralités, enfin,
Pourraient être suivies.
Et retenues sans doute,
Car sagesse toujours n’est pas
Du côté de ceux qui le croient.

(*) PC : Permis de Construire

L’auteur, Jean du Saraillou, alias Jean LEVY, est coprésident de l’Association Défense de l’Environnement et du Patrimoine du Viala-du-Tarn et de Montjaux

069-smallVous avez manqué un épisode de la série « Eolien industriel, entre illusion et corruption », dont l’objectif est d’illustrer la dérive du secteur de l’éolien en France et son impact nocif sur le monde rural, notamment en Aubrac et en Margeride?

Episode 2 – Le projet éolien du Palais du Roy ou l’avènement de la «colonisation participative»

 Episode 1 – reportage en Lozère

A propos Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère

Protéger et valoriser les espaces naturels, la biodiversité, les paysages historiques, et le patrimoine bâti des bassins versants du Bès et de la Truyère, plus particulièrement de l'Aubrac et de la Margeride, tel est notre principal objectif. Pour cela, nous luttons activement contre la marchandisation de ces massifs.
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