Magnifique photo que celle de Bruno Grindel, cliquez sur l’image pour voir ce que vous n’aviez peut-être pas vu au premier coup d’oeil… On aimerait y être! Maintenant, pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’entendre le brame du cerf en direct cet automne, fermez la porte si vous êtes au bureau ou mettez un casque si vous travaillez en « open space ».
Montez le son, puis cliquez sur le bouton rouge sur la photo ci-dessous, attendez quelques secondes pour le chargement, fermez les yeux… Ca y est, vous y êtes!
La photo du cerf bramant derrière ce fichier « son » est également de Bruno Grindel, photographe amateur, qui a publié en 2014 un très beau livre dédié à la faune lozérienne, « Dans l’intimité de la vie sauvage en Lozère », que vous pouvez trouver dans les librairies lozériennes, et notamment à la librairie « Le Rouge et le Noir » à Saint-Chély d’Apcher.
Cet automne, Bruno a arpenté les forêts des contreforts de l’Aubrac et partagent avec nous ces superbes photos de cerfs, ainsi qu’un beau paysage d’automne.
Comme chacun sait, le roi de la forêt est présent dans tous les grands massifs de Lozère mais l’animal étant plutôt actif au crépuscule ou la nuit, on l’aperçoit rarement et il faut avoir la patience et la motivation d’un photographe animalier pour pouvoir l’observer.
Savez-vous que ce noble animal avait disparu du massif Central au cours du dix-neuvième siècle, sous la pression de la chasse? Il y est réintroduit après la seconde guerre mondiale et la population que nous avons le plaisir d’observer aujourd’hui descend d’animaux provenant de la forêt de Chambord ou de celles d’Europe Centrale et lâchés sur nos massifs à partir des années 60, principalement dans un but cynégétique. Les chasseurs de Lozère et du Cantal suivent donc régulièrement l’évolution de la population de cerfs et notamment dans les grands bois de la Truyère et des gorges du Bès. L’écoute du brame à l’automne constitue une méthode de comptage.
Voir les résultats du comptage des cerfs pour la Truyère – Automne 2014
On peut être surpris par la différence d’effectifs de part et d’autre des gorges du Bès, qui marquent la limite entre le Cantal et la Lozère. En effet, alors que les effectifs ont augmenté entre 2008 et 2014 et sont élévés autour de Neuvéglise, Lavastrie et Chaudes Aigues, donc dans le Cantal et à proximité des gorges de la Truyère, la Fédération des Chasseurs de la Lozère note que « curieusement l’évolution du noyau principal situé dans le Cantal ne se reporte pas sur notre zone ». Une situation qu’elle n’est pas en mesure d’expliquer en indiquant toutefois que la région d’Albaret le Comtal (en Lozère donc) a connu dans le passé un nombre plus élevé de cerfs. Ont-ils du mal à traverser les gorges du Bès, une zone très sauvage qui comporte de nombreux aplombs et où la rivère est particulièrement tumultueuse?
Les Chasseurs de Lozère publient également un inventaire des cerfs de Lozère au moment du brame à l’automne 2014, dont voici un extrait.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le cerf, Wikipedia est là. Nous avons simplement souhaité partager avec vous quelques informations récentes sur la répartition spatiale du cerf en Aubrac.
Pour achever d’illustrer notre propos, ce superbe poème d’Anatole France, qui offre une vision -tout à la fois romantique et d’un réalisme crû- des lois de la Nature. Des lois que l’Homme contrarie bien souvent, sauf à considérer que l’Homme est lui aussi un animal…
Les cerfs
Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures
Que le vent automnal emplit de longs murmures,
Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
Depuis l’heure du soir où leur fureur errante
Les entraîna tous deux vers la biche odorante,
Ils se frappent l’un l’autre à grands coups d’andouillers.
Suants, fumants, en feu, quand vint l’aube incertaine,
Tous deux sont allés boire ensemble à la fontaine,
Puis d’un choc plus terrible ils ont mêlé leurs bois.
Leurs bonds dans les taillis font le bruit de la grêle ;
Ils halettent, ils sont fourbus, leur jarret grêle
Flageole du frisson de leurs prochains abois.
Et cependant, tranquille et sa robe lustrée,
La biche au ventre clair, la bête désirée
Attend ; ses jeunes dents mordent les arbrisseaux ;
Elle écoute passer les souffles et les râles ;
Et, tiède dans le vent, la fauve odeur des mâles
D’un prompt frémissement effleure ses naseaux.
Enfin l’un des deux cerfs, celui que la Nature
Arma trop faiblement pour la lutte future,
S’abat, le ventre ouvert, écumant et sanglant.
L’oeil terne, il a léché sa mâchoire brisée ;
Et la mort vient déjà, dans l’aube et la rosée,
Apaiser par degrés son poitrail pantelant.
Douce aux destins nouveaux, son âme végétale
Se disperse aisément dans la forêt natale ;
L’universelle vie accueille ses esprits :
Il redonne à la terre, aux vents aromatiques,
Aux chênes, aux sapins, ses nourriciers antiques,
Aux fontaines, aux fleurs, tout ce qu’il leur a pris.
Telle est la guerre au sein des forêts maternelles.
Qu’elle ne trouble point nos sereines prunelles :
Ce cerf vécut et meurt selon de bonnes lois,
Car son âme confuse et vaguement ravie
A dans les jours de paix goûté la douce vie :
Son âme s’est complu, muette, au sein des bois.
Au sein des bois sacrés, le temps coule limpide,
La peur est ignorée et la mort est rapide ;
Aucun être n’existe ou ne périt en vain.
Et le vainqueur sanglant qui brame à la lumière,
Et que suit désormais la biche douce et fière,
A les reins et le coeur bons pour l’oeuvre divin.
L’Amour, l’Amour puissant, la Volupté féconde,
Voilà le dieu qui crée incessamment le monde,
Le père de la vie et des destins futurs !
C’est par l’Amour fatal, par ses luttes cruelles,
Que l’univers s’anime en des formes plus belles,
S’achève et se connaît en des esprits plus purs.
Anatole France