Le maire de Chauchailles, sur l’Aubrac lozérien, veut son parc éolien. Et qu’on le voit de très loin: 6 éoliennes de 150 mètres de haut. Mazette! Ce ne sont pas les 7 naines du Truc de l’Homme, qui ne font « que » 107 mètres en bout de pâle. Non, là on va prendre de la hauteur et se situer plutôt dans la moyenne des tours du quartier de La Défense en région parisienne. L’affaire se trame depuis des années. Plusieurs entreprises se sont intéressées au projet que Gérard Odoul -le maire de Chauchailles donc- se félicite d’avoir initié très discrètement car il ne veut surtout pas que l’affaire soit éventée avant qu’elle ne soit vérouillée.
Des fonds d’investissement sont sur le coup, les choses s’accélèrent, un permis de construire sera vraisembablement déposé dans les semaines à venir. Mais qu’est-ce qui peut conduire un maire, qui prétend aimer son territoire, à implanter 6 éoliennes de 150 mètres de haut sur le puech del Roc, dans le futur Parc Naturel Régional d’Aubrac? Nous ne savons pas. Lui non plus d’ailleurs. Du moins s’il le sait, il ne souhaite pas communiquer sur sa motivation. Ne demandez pas non plus aux conseillers municipaux: ils le suivent aveuglément et lui ont confié tout pouvoir de gérer ce projet comme il l’entend. Une situation de rêve pour le promoteur…

Le roc du Cheylaret sur la commune de Chauchailles: c’est un magnifique belvédère sur l’Aubrac et le volcan du Cantal, un point d’attraction touristique majeur au nord de l’Aubrac. Credit photo © Association Bès/Truyère
Mais vous commencez à nous connaître. Nous avons décidé de mettre notre nez là-dedans car nous estimons que l’Aubrac se portera bien mieux sans ce parc éolien: et contrairement à G. Odoul, nous aimons communiquer et nous avançons de nombreux arguments dans ce sens au fil de ce blog. Petit retour en arrière pour comprendre le contexte et les risques associés à ce projet. L’Association pour la Promotion Economique et le Développement Durable du Plateau de l’Aubrac (basée à Saint-Urcize, Cantal) a lutté pendant des années contre cette forme de colonisation de l’Aubrac. Sans elle, l’Aubrac lozérien serait déjà couvert d’aérogénérateurs à l’image du Lévezou en Aveyron. L’association a obtenu un succès: elle a réussi à faire annuler un permis de construire accordé à une entreprise pour un parc éolien à Trélans. Mais aussi un échec, puisque le bien nommé parc du « Truc de l’Homme » (communes du Fau de Peyre et de la Fage Montivernoux), qui n’aurait jamais dû voir le jour tant les irrégularités sur ce dossier ont été nombreuses, a finalement été construit en 2013/2014. La longue procédure judiciaire autour de ce projet a permis un sursis de 10 ans mais elle a été coûteuse et s’est soldée par une condamnation de cette association de citoyens aubraciens à payer 3000 euros à Alstom, le constructeur! Un comble. S’il n’a pas été possible d’empêcher ce parc industriel (dorénavant exploité par la toute puissante « Energie du Portugal ») proposé dès 2003, à une époque où seuls quelques rares visionnaires avaient conscience des dégâts que causerait cette industrie, nous avons maintenant suffisamment de recul pour comprendre que ces installations inutiles n’ont rien à faire sur l’Aubrac et que le Truc de l’Homme doit rester cantonné au rôle de projet-vaccin. Autrement dit, si nous ne faisons rien pour empêcher le projet éolien de Chauchailles, l’Aubrac deviendra un autre Lévézou, qui compte aujourd’hui plus de 100 éoliennes (au début 5 puis 10 puis 20 etc…) et a perdu beaucoup de son identité et de son pouvoir d’attraction (voir notre article sur l’éolien en Aveyron).

Montage photo: le village de Chauchailles surplombé par des éoliennes. projection dans le futur: demain 6 éoliennes, après demain le double, comme partout ailleurs. Crédit montage photo © Association Bès/Truyère
Comme nous pensons qu’il n’y a pas de fatalité, nous (notre association et l’association des Riverains du Bès) avons écrit au maire de Chauchailles pour lui demander -arguments à l’appui- de bien vouloir abandonner son projet de parc éolien. Chaque habitant de la commune a reçu une copie de ce courrier, ainsi que les maires des communes de l’ancien canton de Fournels et d’autres élus de l’Aubrac. Ce courrier, daté du 3 février 2015, est reproduit ci-dessous. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’il est resté sans réponse. Car Gérard Odoul choisit son public et ne s’abaissera pas à expliquer aux citoyens qui le questionnent pourquoi il s’apprête à bouleverser le cadre de vie de l’ensemble des habitants du plateau d’Aubrac. Il s’est par contre forcé à écrire aux maires du canton (de Fournels) le 20/02/2015, non pas pour expliquer sa démarche mais pour exposer factuellement le déroulé des évènements qui devraient normalement conduire au dépôt d’une demande de permis de construire pour le parc éolien du Puech del Roc dans les semaines qui viennent. Le nord de l’Aubrac serait donc saccagé, sans que personne ne demande des comptes au maire de Chauchailles. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est le scénario qui se dessine et que nous tentons de défaire. Et pour ce faire nous avons besoin d’aide.
Nous remercions le Bulletin Espalion d’avoir compris l’importance du sujet et rédigé un article autour de notre courrier (05/03/2015). Nous demandons maintenant aux élus des communes de l’Aubrac, y compris Cantal et Aveyron, de mettre en garde Gérard Odoul de façon explicite contre les conséquences désastreuses de sa décision et de nous appuyer ouvertement et sans réserve dans notre demande d’abandon du projet du Puech del Roc. Il ne s’agit pas d’une ingérence dans les affaires de la commune de Chauchailles: un élu qui estimerait que ce projet est inopportun mais resterait silencieux se rendrait coupable de non-assistance à territoire en danger.
À l’attention de M. Gérard ODOUL – Maire – 48310 Chauchailles
Albaret le Comtal & Oyex, le 3 février 2015
Objet : Abandon du projet de parc éolien au Puech del Roc
Monsieur le Maire,
Au nom des centaines de membres et sympathisants de l’Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère et de l’Association Riverains du Bès, au nom des milliers d’habitants de l’Aubrac préoccupés de l’avenir de ce territoire, nous vous demandons de bien vouloir abandonner le projet d’implantation d’aérogénérateurs industriels que vous avez initié sur le hameau du Roc en juillet 2012.
Ce projet de 6 aérogénérateurs de 150 mètres de haut va modifier irréversiblement la physionomie caractéristique de l’Aubrac (ceux du Truc de l’Homme font 107 mètres en bout de pale) ; c’est un projet industriel radicalement impactant qui a été décidé sans concertation publique. Certes le conseil municipal a appuyé votre démarche, mais aucune information systématique objective sur ce projet de parc éolien n’a jamais été fournie, ni aux habitants de votre commune, ni à ceux des communes limitrophes, encore moins à ceux des autres communes de l’Aubrac, que ce soit en Lozère, dans le Cantal ou l’Aveyron. Soyez assuré que l’absence de concertation est mal ressentie dans les foyers qui ont compris que, voyant le vent tourner, vous avez récemment démissionné du Conseil Communautaire des Hautes Terres (CCHT). De cette façon, vous n’avez de compte à rendre à personne et n’avez plus à affronter les questions de vos collègues élus dans le canton de Fournels.
Vous avez bien fait: le 11 décembre 2014, ce même CCHT s’est prononcé à une large majorité (13 voix contre l’éolien, 4 pour, 1 abstention, 1 vote nul) contre l’installation de turbines géantes sur l’Aubrac. L’isolement que vous affectez éveille des doutes: si ce projet industriel avait tous les mérites que vous semblez lui attribuer (mais sans communiquer jusqu’à ce jour), vous devriez au contraire avancer avec fierté, avec votre équipe de conseillers municipaux, en vantant les mérites de cette entreprise pour gagner le soutien des communes voisines. Mais non, vous agissez comme si vous aviez honte de vendre l’Aubrac pour si peu de profit (annexe 1: A qui profite l’implantation d’éoliennes industrielles ?). Seriez-vous conscient qu’un projet industriel d’envergure, visible à des dizaines de kilomètres à la ronde, développé dans l’une des régions les moins ventées de France, reposant sur la consultation de trois membres de section, apparaîtra nécessairement comme une imposture aux yeux des Aubraciens? C’est là notre première question. Il faut que se sachent les conditions dans lesquelles cette concession emphytéotique a été accordée à des fonds d’investissement.
Portant la paternité de ce projet, seriez-vous en train de réaliser qu’il va détruire l’identité de l’Aubrac, auquel nous vous savons pourtant profondément attaché ? La grande majorité de citoyens des départements de Lozère, Cantal et Aveyron s’inquiètent avec nous de votre démarche qui ne prend pas en compte les nuisances inhérentes à ce type de projet (annexe 2: Impacts temporaires et permanents des parcs éoliens); elles retomberont fatalement sur les trois membres de la section du Roc et sur votre commune. Ce document résume les impacts négatifs, temporaires et permanents, ainsi que les impacts positifs de l’éolien. Il n’émane pas d’une association anti-éolienne, comme vous pourriez le craindre. Non, ce document est extrait du « Guide de l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens », édité par le Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, qui -vous le savez- soutient sans réserve le développement de l’éolien industriel en France, sur terre et en mer. Il est destiné aux promoteurs de l’éolien industriel. Pour autant, il nous semble que tout élu responsable gagnerait à lire soigneusement ce guide qui suscite de sérieuses interrogations sur le bien–fondé d’un projet éolien. Mais peut-être l’avez-vous déjà entre les mains? Vous aurez donc remarqué que les impacts négatifs sont substantiels et que leur liste est longue, alors que celle des impacts positifs est très courte et que chaque argument en faveur de l’éolien industriel peut être facilement battu en brèche. Le fait que le promoteur soit tenu de réaliser une étude d’impact, qui sera bien évidemment favorable à l’implantation des aérogénérateurs, ne doit pas vous dispenser de réfléchir vous-même aux risques encourus ni d’informer le public. Pour autant, vous n’avez jamais pris la peine d’évaluer vous-même les critères de ce guide appliqués à votre territoire, ni d’évoquer les risques avec vos administrés. Pourquoi ? C’est notre deuxième question.
Notre troisième interrogation porte sur le rôle de votre commune au sein du futur Parc Naturel Régional (PNR) de l’Aubrac, auquel votre commune a eu raison d’adhérer. Pour autant, le parc éolien que vous soutenez est incompatible avec les objectifs du PNR Aubrac. Visitez le site internet du PNR, qui vante sous diverses rubriques la qualité et la diversité des milieux naturels et des paysages en Aubrac. Pouvez-vous définir où et comment s’y insère votre projet éolien industriel?
Pour résumer, les raisons qui vous poussent à développer un parc éolien au Puech del Roc nous échappent. Votre commune a besoin d’argent? Nous pouvons le comprendre, comme nous comprenons que toutes les communes de l’Aubrac ont besoin d’argent. Mais ne serait-il pas préférable de réfléchir avec le PNR aux moyens de mettre en valeur et de développer les bases économiques de la commune de Chauchailles dans le respect des paysages et milieux naturels de l’Aubrac uniques en Europe plutôt que de livrer à la destruction des hectares de forêt, à la défiguration les pâturages, les chemins de grande randonnée, à la perturbation les sources, les captages, et ce pour le principal bénéfice des promoteurs d’un projet industriel ?
Vous avez pris la décision d’entraîner votre commune dans un projet qui la dépasse, techniquement, financièrement, économiquement, socialement. Vous ne pouvez pas continuer à agir comme si Chauchailles vivait à l’écart du monde. Vous ne pouvez pas continuer à ignorer le sentiment partagé par une majorité d’Aubraciens que ce projet est une erreur manifeste, que votre décision bafoue l’intérêt collectif et qu’elle manque de légitimité.
Ainsi nous vous demandons de mettre un terme dès maintenant à ce mauvais projet. Vous serez remercié et célébré par une immense majorité de citoyens de l’Aubrac. Vous montrerez ainsi que l’avis récent de la CCHT vous importe, de même que vous respectez l’avis du syndicat des communes de l’Aubrac aveyronnais (2009 et 2003) et celui de la CC limitrophe de Caldaguès Aubrac (2011), tous deux défavorables à l’éolien industriel.
Pour conclure, nous insistons sur l’intérêt de soustraire l’Aubrac à l’appétit des fonds d’investissement que vous avez accueillis sur ce territoire et qui revendront le parc éolien sitôt sa construction réalisée pour encaisser la plus-value alors que tous les habitants du Plateau, à commencer par vos administrés, pâtiront d’une sévère moins-value pendant des décennies. Nous tenons à votre disposition les preuves des pertes économiques déjà encourues par des résidents à proximité du parc éolien du Truc de l’Homme. Nous souhaitons n’avoir jamais à prouver l’impact négatif que ce nouveau parc -s’il était réalisé- aurait sur l’économie agricole, touristique, artisanale et commerciale en Aubrac, qui s’appuie fondamentalement sur l’image d’exception de ce territoire.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.
Co-signé par Pascale Debord (Présidente de l’ Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère) et Catherine McLean (Présidente de l’Association des Riverains du Bès)
Original du courrier envoyé au maire de Chauchailles (avec liste des destinataires)