Le futur Parc Naturel Régional de l’Aubrac, un outil de choix pour aménager le territoire

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Un mur de basalte en Aubrac – Crédit photo © Association Bès & Truyère

Une excellente nouvelle marque une étape fondamentale dans notre combat pour préserver l’Aubrac de son invasion par des centrales éoliennes. Le Comité du Syndicat Mixte de Préfiguration du Parc Naturel Régional (PNR) d’Aubrac, composé de représentants de toutes les communes adhérentes, de conseillers régionaux et départementaux a voté le 03/11/2016 un projet de Charte qui affirme que l’éolien industriel est jugé incompatible avec les sensibilités paysagères de l’Aubrac sur l’intégralité du périmètre classé Parc Naturel Régional, modifiant ainsi l’avant-projet de Charte qui prévoyait sur la frange est et nord-est de l’Aubrac une zone compatible à l’éolien.

Ce projet de Charte sera soumis à enquête publique en début d’année 2017. Puis les communes seront consultées sur leur volonté définitive d’adhérer au PNR. Rappelons que seules les communes situées au sein du périmètre du PNR tel qu’il a été agréé par l’Etat en 2013 (voir ci-joint la liste des communes faisant partie de ce périmètre) peuvent adhérer au PNR et que cette adhésion est volontaire. Précisons aussi que la Charte d’un PNR n’a aucune valeur réglementaire (elle n’est pas opposable) et que ses dispositions sont caduques sur une commune qui n’adhère pas au PNR. Cependant le préfet sera obligé de demander l’avis du PNR avant d’accorder un permis pour un projet ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement) au sein du périmètre agréé, que la commune sur laquelle se développe le projet en question adhère ou non au PNR. Le préfet suivra ou non l’avis du PNR, mais c’est forcément un frein au développement de l’éolien industriel sur l’Aubrac. Par ailleurs, cette charte aura (il faut espérer) un effet dissuasif vis à vis des promoteurs, à l’exception de ceux qui ont déjà investi du temps et de l’argent sur notre territoire et qu’il nous reste donc à écarter dans les mois qui viennent. 

Un article rédigé par notre association et paru le 27/10/2016 dans le Bulletin d’Espalion met en perspective les liens entre le concept de PNR, l’identité territoriale et le pastoralisme, dans le contexte de l’Aubrac. Dans sa deuxième partie de l’article fait le lien entre le PNR Aubrac et le développement de l’éolien industriel, reprenant des arguments déjà présentés dans un article que notre association avait fait paraître dans la Lozère Nouvelle début octobre 2016.

Sur l’aménagement de nos territoires de montagne, voir également l’excellent article de Noël Ducret sur la loi Montagne, paru dans la Lozère Nouvelle le 20/10/2016.

L’importance de l’actualité éolienne en Lozère en cet automne révèle à la fois la pression inouïe d’industriels en quête de rendements financiers et la détermination croissante de citoyens qui n’acceptent plus le saccage organisé et institutionnalisé de nos territoires: lien vers un reportage de FR3 sur nos amis de la Margeride qui se battent contre un projet de centrale éolienne  à Chasserades, au lieu dit « Les Taillades » (EDF EN).

Faut-il rappeler que nous nous battons avant tout pour préserver et valoriser un capital environnemental d’exception? Le 04/11/2016, le quotidien Le Figaro a publié un article intitulé

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Tourbière de Prat Fangous, Saint-Chély d’Aubrac, Aveyron, Octobre – Crédit Photo © Arnaud Millot

« A la recherche des derniers paradis terrestres ». Quatre lieux exemplaires de France pour la qualité de leur nature (après validation scientifique), ainsi que trois autres sites emblématiques de la planète ont été choisis pour illustrer cet article: l’Aubrac fait partie de ces 7 « paradis terrestres » notamment pour la qualité de ses sources, qui est la marque d’une empreinte urbaine et industrielle quasiment nulle. Ce genre de reportage valide le bien fondé de notre combat contre l’éolien industriel en Aubrac, ainsi qu’en Margeride, laquelle n’est pas en reste pour ce qui est de la qualité de son environnement.

Bonne lecture.


L’AUBRAC A L’AVANT-GARDE DE LA TRANSITION VERS UNE ECONOMIE « VERTE »

Paru dans le Bulletin d’Espalion le 27/10/2016

A l’heure de la destruction inexorable de nombreux écosystèmes, des perturbations climatiques induites par l’activité humaine, des grandes manoeuvres mondiales autour des terres agricoles et des ressources naturelles, l’élevage extensif de grands et petits ruminants, piloté par des entreprises familiales sur les vastes pâturages de l’Aveyron, du Cantal et de la Lozère est le symbole d’une économie caractérisée par un rapport d’équilibre entre les besoins de l’Homme et la capacité d’une Nature aménagée à les satisfaire sur le long terme. C’est une évidence pour ceux qui s’efforcent depuis des décennies d’améliorer la qualité des parcours de nos territoires de moyenne montagne, de préserver et valoriser les caractères des races rustiques, d’optimiser la conduite des troupeaux en tenant compte des saisons, de la topographie et des ressources naturelles et d’assurer la mise en marché de produits de qualité qui véhiculent une riche culture pastorale ainsi que l’image d’espaces protégés qu’occupent les troupeaux.

C’était aussi une évidence pour Edgar Pisani, ministre de l’Agriculture de 1961 à 1966, qui lança le concept de Parc Naturel Régional (PNR). Ce concept, vieux de 50 ans, n’a pas pris une ride. Souple, créatif, évolutif, il reste un outil de choix pour l’aménagement d’un territoire rural. Le nombre de PNR témoigne de ce succès : 51 à ce jour et 9 en cours de gestation avancée, dont le PNR de l’Aubrac qui s’articule naturellement autour de l’élevage extensif de la race Aubrac. Bertrand Hervieu, sociologue, soulignait récemment (revue « Parcs » n°78, Septembre 2016) que l’exode rural a cessé en précisant : “On peut penser que les Parcs ont participé à ce changement de regard qui s’est opéré sur les campagnes françaises en ce début de XXIe siècle ; que ce regard positif porté sur ces espaces, sur leur patrimoine, sur leur nature, sur leurs activités, a contribué à changer le regard des Français sur la campagne.”

Axel Kahn (chercheur, marcheur) a traversé la France à pied et confirme sur son blog l’impact des parcs naturels : “Leurs projets mobilisent toujours de nombreux opposants, chasseurs, agriculteurs, utilisateurs privatifs de cours d’eau, etc. Pourtant, après des années de fonctionnement, la majorité des habitants convient des retombées positives, parfois salvatrices, du parc. La fierté de ce que leur territoire familier devienne à ce point prisé par tant de gens venus d’ailleurs contribue sans aucun doute à ce regain constaté de dynamisme ».

De fait, alors que l’agriculture intensive -synonyme de concentration des exploitations, remembrement, exode rural mais aussi destruction des milieux naturels- a contribué à brouiller l’identité de nombreuses zones rurales en France, le label PNR traduit une forte volonté commune, politique et citoyenne, d’instaurer durablement une harmonie entre des systèmes agraires fondés sur le pastoralisme, des écosystèmes riches mais fragiles et un patrimoine culturel et paysagers séculaires. La gestion de cette fragile harmonie n’est pas seulement le marqueur de bonnes pratiques d’élevage, elle représente dorénavant un paradigme de développement durable, un modèle avant-gardiste de gestion technique, sociale, économique et institutionnelle des grands espaces naturels aménagés par l’Homme. Ce que confirme l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) dans un rapport publié en mars 2015: « le pastoralisme – la production extensive de bétail dans les pâturages – offre d’énormes avantages à l’humanité et devrait être considéré comme un élément majeur de la transition mondiale vers une économie verte … le pastoralisme préserve la fertilité des terres et le carbone présent dans sol et contribue à la régulation de l’eau et à la conservation de la biodiversité. Les autres avantages qu’il présente se trouvent sous la forme de produits alimentaires de grande valeur. »

Dans ce contexte rural aussi riche que complexe se pose la question stratégique mais controversée de l’opportunité d’implanter des éoliennes industrielles sur l’Aubrac, au nom de la transition énergétique. Rarement un sujet n’a autant divisé : dès que pointe l’ombre d’un aérogénérateur, on se déchire sur la question. Ce phénomène de division, contraire à l’esprit d’union qui prévaut dans le cadre de la mise en place d’un PNR, ne doit-il pas inciter à l’extrême prudence à l’égard -non pas des énergies renouvelables- mais de la construction de centrales éoliennes sur l’Aubrac ? Sachant que la charte d’un PNR détermine notamment les orientations et principes de protection des paysages, il convient de réfléchir en tenant compte des éléments suivants:

1/ Dans le processus de prise de décision institutionnelle qui conduit à l’implantation d’une centrale éolienne industrielle, le maire d’une commune est investi d’une responsabilité majeure renforcée par le pouvoir d’influence que lui confère naturellement sa fonction. Le risque de dérive est important et peut conduire à des choix d’aménagement territorial très contestables.

2/ En dépit de ce que les bureaux d’études s’évertuent à répéter à longueur d’études d’impact, une centrale éolienne est un énorme objet industriel qui ne s’insère pas dans un paysage : elle le banalise, elle devient le paysage, qui perd ainsi son identité.

3/ Avec une centrale éolienne en fonctionnement et 4 nouveaux projets (connus) en gestation, la partie orientale de l’Aubrac pourrait accueillir rapidement une cinquantaine d’aérogénérateurs allant jusqu’à 180 mètres de haut si rien n’est fait pour freiner cette expansion.

4/ La lutte contre les changements climatiques et l’alternative au nucléaire ont bon dos : la seule motivation des communes qui s’engagent dans l’éolien industriel, c’est l’argent. Pourtant, nombreuses sont les communes aubraciennes qui ont eu la sagesse d’écarter les promoteurs, alors qu’elles ont tout autant besoin d’argent : leurs élus ont compris l’immense valeur des multiples services environnementaux, sociaux et économiques que rend le plateau d’Aubrac, lesquels sont systématiquement ignorés par les industriels de l’éolien. Quand on sait que telle commune de l’Aubrac lozérien a touché moins de 13 000 euros en 2015 au titre de l’imposition forfaitaire sur une centrale éolienne, on est effaré par la disproportion entre d’une part les pertes matérielles et immatérielles infligées par cette commune au territoire dont elle fait partie et les recettes faramineuses encaissées par le promoteur, et d’autre part une somme dérisoire qui va permettre à la commune d’entretenir quelques chemins communaux: on détruit l’identité d’un territoire pour éviter à quelques engins de s’embourber! Et, tout se passe comme si les promoteurs de l’éolien industriel siphonnaient à leur seul profit les richesses de territoires qui ne leur appartiennent pas, un phénomène accentué par la dépréciation avérée (et sans aucun dédommagement) des biens immobiliers situés à proximité de centrales récemment mises en service sur nos massifs. L’attractivité de l’Aubrac ne passe pas par des centrales éoliennes : il faut choisir entre peupler l’Aubrac avec des humains ou des aérogénérateurs.

5/ Il faut favoriser les énergies renouvelables en Aubrac. Mais pas n’importe lesquelles et pas n’importe où. Du solaire sur les toits de nos immenses bâtiments agricoles, une rénovation de l’infrastructure hydroélectrique existante oui. Des centrales éoliennes au cœur de l’un des plus beaux paysages de France, non. La recherche scientifique et les avancées techniques vont permettre à moyen terme l’émergence de solutions énergétiques bien plus efficaces que l’éolien industriel. Inutile, donc, de précipiter l’Aubrac, encore largement intact, dans une impasse industrielle en cautionnant une forme d’énergie aussi peu efficace : si nous laissons faire, dans 20 ans (durée de vie d’une centrale éolienne), l’est de l’Aubrac ne sera plus qu’une vaste friche industrielle.

6/ L’exploitation de la ressource « vent » passe par des aérogénérateurs de plus en plus hauts implantés sur les lignes de crête et fixés par des semelles de béton de plus en plus profondes, avec des risques conséquents : dans un contexte de changement climatique et de raréfaction de la ressource en eau, il faut interdire leur implantation dans les bassins versants de l’Aubrac, en raison de l’envergure des terrassement nécessaires, qui menacent directement l’écoulement des eaux provenant des hauteurs de ces bassins.

Pour conclure, raisonnons par l’absurde. Si l’éolien industriel participe utilement à la lutte contre le réchauffement climatique, si cette forme d’industrie présente plus d’avantages que d’inconvénients, il n’y a aucune raison pour ne pas en installer sur l’ensemble du futur PNR Aubrac. Laisser l’éolien industriel se concentrer sur les contreforts de l’Aubrac, c’est reconnaître implicitement que cette industrie fait plus de dégâts qu’elle n’offre de bénéfices, c’est nourrir une discrimination inacceptable entre les habitants d’un même territoire, c’est saper d’emblée les principes de concertation et de solidarité qui constituent les fondements du futur PNR Aubrac.

Pascale Debord, Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère

A propos Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère

Protéger et valoriser les espaces naturels, la biodiversité, les paysages historiques, et le patrimoine bâti des bassins versants du Bès et de la Truyère, plus particulièrement de l'Aubrac et de la Margeride, tel est notre principal objectif. Pour cela, nous luttons activement contre la marchandisation de ces massifs.
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