Le troubadour du Gévaudan

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Gilbert Chayla à Lasbros, La Chaze de Peyre. Au loin on aperçoit le Roc de Peyre – Crédit Photo © Gilbert Chayla

Savez-vous ce qu’est une isoglosse? Wikipedia nous explique que le nom provient du grec (« langue identique ») et que c’est « une ligne imaginaire séparant deux zones géographiques qui se distinguent par un trait linguistique (dialectal) particulier, celui-ci pouvant être de nature lexicale, sémantique, phonologique, phonétique, ou de quelque autre type. Autrement dit, une isoglosse délimite l’aire géographique d’un trait dialectal. »

Le gévaudanais est une forme d’occitan. Selon Jules Ronjat (un linguiste spécialiste de la langue d’Oc), ses traits sont ceux du dialecte languedocien mais un « languedocien en cha » alors qu’au sud on dit « ca ». Bref, au  nord de l’isoglosse « ca-cha », on parle le gévaudanais, qui serait donc à l’occitan ce que le ch’ti est au français, si les puristes veulent bien excuser cette caricature.

Le Gévaudan a une longue tradition d’auteurs et troubadours, hommes et femmes, qui composent en Occitan depuis le Moyen-Age.

Dans la tradition des grands troubadours et poètes occitans, Gilbert Chayla compose des vers en gévaudanais. Né en 1937 à Lasbros, un hameau de la commune de la Chaze-de-Peyre, Gilbert Chayla est diplômé en psychologie de l’institut de psychologie de Paris. Adolescent, à chaque vacances il faisait les battages avec ses frères dans de nombreuses fermes de la Terre de Peyre ainsi que sur la planèze de Saint-Flour. C’est ainsi qu’il a appris à parler, lire et écrire le gévaudanais et à connaître le monde paysan. Adulte, il a travaillé comme psychologue du travail puis comme directeur technique et pédagogique à la formation professionnelle pour adulte. Il a effectué plusieurs missions en Afrique pour l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel). C’est également un grand lecteur de livres de tous les pays. Il a toujours versifié autant en français qu’en gévaudanais. Il adore la poésie et dit connaître « des kilomètres de vers ».

Fortement troublé par un projet de centrale éolienne sur sa terre natale, Gilbert Chayla a fait parler son coeur pour défendre La Terre de Peyre, qu’il estime victime d’une agression au nom d’intérêts strictement financiers. Il est l’auteur de « Ô plouro moun païs », un poème composé en partie en gévaudanais, en partie en français (cependant les strophes en français ne sont pas une traduction des strophes en gévaudanais) qui exprime à la fois sa colère et sa détresse contre le projet de la société SAMEOLE, propriété de la société d’investissement SAMFI-Invest qui est également promoteur immobilier et transporteur routier (groupe Malherbe). SAMEOLE a décidé de venir planter des aérogénérateurs sur les communes de La Chaze de Peyre et Sainte-Colombe de Peyre, au sein du futur Parc Naturel Régional de l’Aubrac. Les maires de ces deux communes n’ont pas été difficiles à convaincre: d’après des propos rapportés dans le Midi-Libre, le maire de La Chaze de Peyre aurait dit sur le ton de la plaisanterie que « si les oiseaux distribuaient des billets on prendrait », faisant allusion aux taxes et autres compensations financières promises par les promoteurs éoliens qui achètent ainsi le droit de détruire l’équilibre d’un territoire, aussi bien sur le plan socio-économique  qu’environnemental, et de saccager son identité paysagère.

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Un cerf sur les flancs de l’Aubrac, troubadour des forêts – Crédit photo © Bruno Grindel (2016)

Mais que ces deux élus ne se fassent pas d’illusion: ce ne sont pas quelques billets qui vont acheter le Gévaudan et ses « indigènes » (ce que nous sommes aux yeux de promoteurs qui se comportent en colons). Soutenus par le Collectif Terre de Peyre et par notre association, des habitants de La Chaze de Peyre organisent à Aumont-Aubrac, le mercredi 23 novembre à 20h30 une réunion d’information sur (et contre) ce projet de centrale industrielle. La réunion se tiendra dans la salle du centre socio-culturel, rue du Barry Haut à Aumont-Aubrac (à côté de la pharmacie). Cette réunion est ouverte à tous, quelle que soit la commune de résidence. 


Ô plouro moun païs !

Ô pleure mon pays ! Quelques politicards
Te vendent aux marchands pour de l’argent facile
Qui cache sous l’appât bien des jours difficiles
Pour nos filles, nos fils qui devront tôt ou tard
Payer ces inepties.

Ô plouro moun païs, tu, que tont benou beire
Per soun brabum, sa bisto, debesos e cluchos,
Bosses, crous dels chamis, bachos escampilhados,
Boou te defigura bielho terro de Peyro
Per toucha quatre soous !

Ô pleure mon pays ! Pour cette folle course
A l’argent : clignotants clôturant l’horizon,
Pylônes enfoncés par tonnes de béton,
Ferrailles dans ton sein jusqu’au cœur de tes sources
Pour une éternité…

Ô plouro moun païs, basou faire un estron
Tout en nous fasen creire qu’aco chanjaro gaire.
Païsons qu’abet garda la Terro de nos Paires
Faset que nos efons poudessou dinc cent ons
Trouba brabo lur Mairo !

Gilbert Chayla

E piei, ajoutarei :
Lous gronds uels de belou de las bachos d’Aùbrac,
Lous besses e lous faous,
Lous fraisses e lous pis,
Mêmo las ginestados…
Me disou de cridat :

Non à l’éolien industriel en terre de Peyre !
Non à l’éolien industriel dans le haut Gévaudan !

En hommage à quelques grands terrepeyrains amoureux et respectueux de leur terre :
Le chanoine Félix Rémize dit lou grelhet (Contes du Gévaudan)
Félix Buffière (ce tant rude Gévaudan)
Augustin Dalle (Sur les ruines de Peyre)
Marcel Enjelvin, poète aumonais (Moun païs, moun patouès)

A propos Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère

Protéger et valoriser les espaces naturels, la biodiversité, les paysages historiques, et le patrimoine bâti des bassins versants du Bès et de la Truyère, plus particulièrement de l'Aubrac et de la Margeride, tel est notre principal objectif. Pour cela, nous luttons activement contre la marchandisation de ces massifs.
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