Voici près de 15 ans que notre association lutte pour éviter l’emprise irréversible de l’éolien industriel sur la Lozère, notamment sur ces massifs d’exception que sont l’Aubrac et la Margeride. Deux décennies maintenant que des financiers tentent inlassablement d’accaparer les terres fertiles, l’eau pure, le ciel étoilé, bref des biens privés ou communs qui font l’or de nos montagnes.
C’est une évidence: ces tentatives de spoliation ne cesseront jamais, l’Etat continuant d’encourager la colonisation économique des zones rurales par des entreprises avides de ressources naturelles et de retour pour leurs actionnaires.
Le temps a pourtant travaillé pour nous. D’une part la corruption, les manipulations financières, les manoeuvres prédatrices de ces sociétés sont désormais documentées et exposées quasi quotidiennement par les medias. D’autre part, la mise en place du Parc Naturel Régional (PNR) de l’Aubrac en 2018 complique un peu la tâche des colonisateurs. En effet, la clairvoyance et l’unité des élus du plateau ont permis d’inclure dans la charte du parc, signée pour 15 ans, des dispositions qui protègent l’Aubrac du développement de l’éolien industriel et évitent la perte de terres agricoles au profit de parcs photovoltaïques implantés de façon anarchique. Ainsi Engie Green a récemment (février 2022) décidé de ne pas poursuivre son projet de centrale éolienne sur la commune de Peyre en Aubrac après avoir perdu son procès contre la Préfecture de Lozère fin 2021, au motif que cette centrale représentait un enjeu paysager trop important: Engie Green a ainsi renoncé à demander l’arbitrage du Conseil d’Etat.
Reste qu’au grand jeu de stratège qui consiste à couvrir le plus vite possible la France d’éoliennes et de panneaux solaires, les dés sont pipés et que, mis à part les promoteurs, tous les acteurs de la filière énergie sont perdants. L’Etat, qui tente maintenant de relancer une filière nucléaire qu’il a lui-même ruinée. Le contribuable et utilisateur d’électricité, qui fait les frais d’une stratégie suicidaire en matière de production nationale d’énergie. Les collectivités, qui n’hésitent pas à vendre la poule aux oeufs d’or (ressources naturelles, biens communs) lorsque les territoires dont elles ont la responsabilité ne sont pas protégés par des chartes fixant les orientations d’une gestion concertée. Voilà des décennies que nous souffrons collectivement d’une gouvernance catastrophique de la production d’énergie, à tous les échelons politiques et administratifs. En Lozère, la politique de destruction systématique des territoires -déjà bien avancée dans d’autres départements- est désormais en marche accélérée. Elle cible en particulier la Margeride qui, coincée d’une part entre les Causses et les Cévennes (inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO) et d’autre part le PNR de l’Aubrac, s’apprête à être sacrifiée sur l’autel du fric. Elle y est menée de force, pieds et poings liés. Activement par tous ceux qui ont conçu, approuvé et mettent en oeuvre cette politique de destruction territoriale (l’Etat au niveau central, ses représentants locaux, l’administration territoriale, les députés), ainsi que par tous les élus locaux qui cautionnent les promoteurs. Passivement, par tous les citoyens, indifférents pour beaucoup, qui évitent ou refusent de voir la réalité en face. Pourtant le patrimoine naturel et culturel du massif de la Margeride est tout aussi riche et fragile que celui de l’Aubrac, des Causses et des Cévennes. Mais comme la Margeride ne bénéficie d’aucun dispositif de protection territoriale (ce n’est pas un PNR, n’est pas classée à l’UNESCO), c’est sur elle que la pression des promoteurs en Lozère s’exerce essentiellement. Quelle injustice! Il faudra bien que ceux qui, à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ont empêché sa protection et mise en valeur en refusant à la Margeride un label de Parc Naturel Régional, rendent des comptes (le massif de la Margeride se trouve à cheval sur les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes).
Voici la preuve tangible du saccage délibéré et annoncé de la Margeride. La carte ci-dessous est « un document de travail » récent (décembre 2021) qui émane de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement d’Occitanie (DREAL Occitanie). Elle recense en jaune les zones plutôt favorables à l’éolien, en vert les zones favorables, en orange les zones plutôt défavorables. Cette carte est d’une violence inouïe car toute la Margeride est concernée. Notez que le plateau d’Aubrac, au nord-ouest, n’est pas non plus épargné, grâce à la clairvoyance des élus de Chauchailles et de Saint-Laurent de Veyrès qui ont jugé que leurs petits intérêts locaux valaient mieux qu’un grand projet de territoire, le PNR de l’Aubrac, auquel ces deux communes n’ont toujours pas adhéré alors qu’elles ont eu par deux fois l’occasion de le faire.

Doit-on rappeler que la Lozère est le château d’eau de la France, le seul département qui ne reçoive pas d’eau d’un autre département et qu’il contribue à irriguer trois grands bassins versants: Garonne, Loire et Rhône? A la Révolution, lorsque le département fut créé, on faillit l’appeler « Les Sources ». Quand on sait les dégâts qu’un socle d’éolienne provoque sur les sources en Lozère, on peut affirmer que l’installation d’éoliennes industrielles en Margeride est un crime contre l’environnement. (Voir une video prise au Truc de l’Homme, nord Lozère, au moment du creusement des fondations pour le parc éolien éponyme).
Ceux qui font encore semblant de croire au caractère vertueux de cette industrie sont des tartuffes ou des autruches. Car il faut mettre en perspective cette carte de la Lozère avec celle de la DREAL pour l’Occitanie: rien de prévu pour le Gers, le Tarn, le Tarn-et-Garonne, le Lot. Ceux qui nous gouvernent nous appauvrissent et nous montent les uns contre les autres.

Continuons à lutter, continuons à gagner du temps, l’avenir nous donnera raison. Ne laissons plus passer un seul discours complaisant à l’égard des promoteurs, remplaçons par les urnes les élus complices, harcelons ceux qui nous harcèlent. Empêchons que la Margeride soit livrée à des pillards en costume-cravate. Empêchons que la Lozère perde à jamais son énergie propre, qui réside dans son exceptionnelle beauté et son environnement encore presqu’intact, des atouts qui se sont révélés majeurs pendant la crise sanitaire et sont devenus des marqueurs de la grande rupture économique et sociale que nous vivons actuellement.
Pascale Debord, Association pour la Protection des Bassins du Bès et de la Truyère
La France va devoir retrouver une autonomie agro alimentaire qu’elle a perdue. Il suffit de regarder la Beauce le long de l’autoroute A10 avec les forêts d’éoliennes pour comprendre pourquoi nous importions du blé …d’Ukraine…
sacrifier la Lozère et la Margeride provoquera un désastre agricole et naturel sur plusieurs dizaines d’années.
les projets éoliens offshore menacent 40% de la pêche française
Non au bétonnage irréparable des terrains lozériens pour y faire planter des éoliennes par des industriels cupides qui sont prêts de manière irrévocable à saccager les paysages et les sources d’eau de la Lozère. Pas besoin de ce type d’énergie intermittente dont rien n’est fabriqué en France.
merci pascale pour ce texte très clairvoyant sur notre société en décrépitude et continuons à réagir pour un minimum de respect de nos espaces qui sont aux sources de nos histoires et de nos vies.
noel
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La bessière
48130 Javols
Blog : http://collectifterredepeyre.blogspot.com/
👏🏻👏🏻👏🏻Merci Pascale !
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